#Tendances produits
Dojo de Forcalquier (04) - France
Ceinture noire
Architecte : Christophe Flachaire - Architecte DPLG
Technique : VMZ Profil à emboîtement
Aspect : ANTHRA-ZINC®
Photographe : Paul Kozlowski - Christophe Flachaire
Entre finesse et brutalité, le nouveau dojo de Forcalquier (04) réussit à donner une cohérence d’ensemble au centre sportif Alain Prieur. En s’intégrant avec force au sein du complexe sportif de cette petite ville provençale, le dojo de Forcalquier apporte une subtile touche de modernité et exprime avec évidence l’énergie vitale du judo, art martial raffiné et sport de combat.
La communauté de commune avait choisi le site par l’évidence des programmes déjà présents : un gymnase, un centre de football, une piscine, de manière à y concentrer l’activité sportive de l’agglomération. Ce choix comportait cependant plusieurs contraintes à commencer par l‘exiguïté du terrain disponible, un espace résiduel tout en longueur laissé entre la « grande caisse » du vieux gymnase et un ensemble de bâtiments de plus petite taille formant un « L ». Pas facile non plus de faire de l’architecture dans un contexte péri-urbain sans âme et bâti à coup d’opérations ponctuelles sans pensée d’ensemble. Il a donc fallu à l’architecte Christophe Flachaire, une bonne dose de culot et de conviction pour oser réaliser en ce lieu ce très beau monolithe sculpté.
À première vue, on pourrait parler de brutalisme, celui d’un objet autosuffisant qui viendrait sans respect prendre ostensiblement sa place. Le bâtiment joue pourtant subtilement avec la contrainte du terrain en pente. Une place est ainsi révélée en partie haute. Elle fait le lien de plain-pied entre l’ancien et le nouveau. La façade Nord du dojo est modeste. Les vastes ouvertures sont posées sur le sol. L’entrée principale est marquée par un redent dans la façade et par un impressionnant cyprès. À droite, on découvre que le dojo effleure le bâtiment voisin, une faille triangulaire formant un joint creux vient traiter le contact avec l’existant. Lorsqu’on longe le bâtiment en descendant par son pignon Est, on devine que son articulation avec le sol a été finement pensée. Arrivé à l’angle de la façade Sud, on prend d’un coup la mesure de la richesse du volume et de son enveloppe. Ce volume n’est plus une boîte noire. Le toit s’envole et la ligne oblique du pignon répond à la façade inclinée de l’ancien gymnase en épousant exactement la pente de sa toiture. Cette oblique assure aussi la transition vers la vaste façade Sud, celle qui donne son échelle presque monumentale au dojo. De fins poteaux en béton placés en périphérie soutiennent élégamment le bâtiment donnant à penser qu’il est léger. On découvre alors une rue, a priori un espace prévisible entre deux parois.
À y regarder de plus près, on constate qu’elle est moins étroite du fait de ces pilotis qui ont repoussé les soubassements et généré un passage ombragé et que la texture de la paroi du dojo a fait l’objet d’une attention particulière. Ce que l’on voit d’abord, c’est l’ombre portée des fortes saillies des ouvertures, ombre plus noire que le noir de la peau de zinc, qui contraste violement avec les lames claires de lumière accrochées aux flancs de ces boîtes suspendues.
« Dans un environnement où l’individu s’oppose à la société, nous cherchons à proposer une alternative pour une architecture sensée et sensible »
Ces ouvertures, de dimensions identiques mais disposées tantôt verticalement tantôt horizontalement, révèlent en relief la trame très rigoureuse des façades dessinées par l’architecte. On pense alors aux compétitions internationales de judo, à ces étranges vues plongeantes sur l’aire de combat, que des caméras suspendues nous font voir, révélant la structure des joints des tatamis sur lesquels évoluent les athlètes en kimono. La référence est donc simple et directe. Un tatami, c’est un rectangle dont la longueur fait deux fois la largeur. Les tatamis peuvent être agencés en sens unique (Fusyugijiki) ou en sens alterné (Syugijiki). C’est cette dernière disposition qui a été retenue avec succès, car elle permet de jouer avec la fibre du matériau, de la paille tissée de jonc pour le véritable tatami, ici du zinc utilisé en fines bandes à emboîtement juxtaposées, au nombre de 4 pour réaliser chaque panneau de base. La combinatoire réussie de ces modules standards et la hiérarchie très adaptée des joints creux, discrets entre bandes de zinc et très marqués autour de chaque panneau, donnent le rythme et la finesse au dessin général. Dans ce contexte, le choix du matériau unique de l’enveloppe était primordial. Il s’avère judicieux. Sans donner l’apparence industrielle et neutre de l’aluminium ou de l’acier laqué, le zinc par sa texture naturelle et mate, sa discrète noblesse et sa capacité à traiter en continuité l’ensemble des détails de finitions et les entourages des ouvertures, fait vibrer l’enveloppe sous le soleil provençal et rend crédible ce périlleux exercice architectural.
La même sobriété toute japonaise est perceptible à l’intérieur du bâtiment. Le plan est simple jouant sur la symétrie, la grande salle des arts martiaux répondant en dimension aux vestiaires et locaux administratifs. Les gradins, cheminements, éclairages sobres et tout en longueur ajoutent au dépouillement. Privilégiant l’introversion, l’architecte a disposé dans chaque ouverture de simples stores écrus, faisant référence aux cloisons traditionnelles des maisons nippones. L’intense lumière extérieure est ainsi parfaitement contenue. Les ouvertures sans vues disposées à différentes hauteurs « décorent » les murs. S’il fallait résumer l’impression générale donnée par ce bâtiment, on parlerait de sa justesse, celle de son implantation qui crée un lien naturel au lieu de repousser, celle de sa forme simple et pertinente, celle de son enveloppe étudiée comme un signal discret du contenu, celle enfin de son aménagement intérieur en phase avec la fonction et l’état d’esprit des utilisateurs. Cet exemple démontre à nouveau qu’avec un solide fil conducteur, une vraie rigueur conceptuelle et avec le soutien indispensable d’un maître d’ouvrage ouvert, on peut significativement élever le niveau de qualité des équipements sportifs.
Christophe Flachaire Architecte DPLG :
Dans un environnement de plus en plus complexe et mondialisé, où l’individu s’oppose à la société, le « star système » à la culture, et la communication au savoir-faire ; dans un monde où se confondent et se mélangent sans état d’âme, « être » et « avoir », travail et profit, rigueur et désinvolture, et parce que nous pensons que l’architecture sensée et sensible ne peut se faire sur ces bases, nous cherchons à proposer une alternative. Inspiré par le « Ki » japonais exprimant, l’énergie, le souffle de vie, l’agence évolue selon ce concept tendant à relier les hommes et les femmes, maîtres d’ouvrages, d’œuvres, et d’usages au travers de valeurs humaines et de professionnalisme. Mélanger les expériences, les compétences et les dynamismes ; remplacer le « je » par le « nous ». Conçue comme un outil dédié à la production de projets ancrés dans toutes ses réalités, l’agence se présente comme une structure d’intégration et d’acquisition des savoirs. Inscrite dans une dimension éthique, nous pensons que l’architecture (au sens large) n’est pas un luxe.
« Dans les interstices de nos projets, nous nous engageons avec force et conviction pour tenter de construire un monde meilleur dans toutes ses dimensions, esthétiques, techniques et humaines. »